L’association Mamanthé, pont entre les générations et les cultures…

Mamanthé aura bientôt 3 ans et juste un siècle de moins que son éponyme, la grand-mère martiniquaise de Mona Georgelin, fondatrice de l’association pour la promotion de la culture créole en région PACA.
Swing de musique du monde au Square Léon Blum, et soleil décidé à faire bronzer même la sirène bibliophage qui toise l’église des Réformés : on est le 12 juin, Festival du Livre de la Canebière.
Derrière son ministand-librairie de littérature caribéenne, crinière cuivrée assortie à sa peau métisse de Bretonne martiniquaise, il y a Mona, comme un poisson dans l’eau qui remonte vers la source.
«J’ai cru jusqu’à 12 ans que ma mère l’appelait Man Té parce qu’elle servait du thé à tous ses enfants. En fait, son prénom c’était Félicité mais de toute façon elle a dû passer beaucoup de temps à servir ses 18 enfants et ses 81 petits-enfants, dont je suis, m’explique Mona, et c’est une manière de lui rendre hommage.»
Ça tombe à pic, parce qu’hier soir à l’Alcazar c’est le romancier, poète et essayiste guadeloupéen Daniel Maximin, qui, sans un mot pour son oeuvre personnelle, pourtant aussi intense que profonde, rendait lui aussi un hommage bouleversant à Suzanne Césaire qui a élevé 6 enfants avant de se consacrer à ses écrits d’essayiste dissidente, femme de théâtre et penseuse de la négritude. «Écrire un enfant sous chaque bras» a-t-il dit d’elle, citant une poétesse russe.
«J’ai grandi en métropole, poursuit Mona qui ne perd jamais le nord de sa boussole antillaise, mais ma mère fait partie de cette génération d’après-guerre où la langue créole, trop proche de l’oppression coloniale, était une langue interdite de transmission.
– Et vos deux enfants ?
– Ils comprennent déjà tout ce qu’on leur dit en créole ! J’ai un besoin profond de faire partager cette culture : “kilti kréyol”. La Bretagne, elle, peut attendre encore un peu ! ajoute-t-elle.»
… J’habite une blessure sacrée / J’habite un long silence… écrit Aimé Césaire.
Et bien même si l’optimisme n’est pas dans l’air du temps, j’ai envie de lui répondre : Regarde ! C’est en bonne voie de guérison chez Mamanthé…

MARION DE DOMINICIS

Article paru en juin 2010 dans le Journal Zibeline n° 31